Si la vue et la vision engagent le registre de la sensation, du donné, de la passivité, la visibilité en revanche, en ce qu'elle est différenciée, renvoie à un effort (pour rendre un objet plus ou moins visible, pour corriger ou accentuer des invisibilités), et elle engage donc des questions d'argumentation, de choix et de décision, ainsi que d'action.
Arguments, décisions, actions peuvent en effet accorder une visibilité différenciée à certaines réalités plutôt qu'à d'autres, à certains problèmes, à certaines personnes au détriment d'autres, à certaines actions et certaines tâches, ordinaires, professionnelles, artistiques, politiques, sociales et enfin, savantes, et conditionnent à leur tour la façon dont on argumente et dont on agit à propos de ces différentes réalités. Pour comprendre ce qui constitue notre réalité, notamment sociale, et ce qui fonde la base de nos réflexions normatives, il faudrait ressaisir les arguments et décisions qui conduisent à rendre visible telle ou telle chose.
Cette problématique est commune à des disciplines apparemment éloignées, et engage des questions aussi différentes que :
- les techniques rhétoriques pour montrer, faire voir par le discours ;
- le travail de la connaissance, qui fait voir le général et le concept, en l'opposant au particulier, mais qui aussi rappelle le singulier et le contexte, qu'un point de vue général ou une échelle macro peuvent empêcher de saisir ;
- la visibilité et l'invisibilité des problèmes sociaux et des diverses catégories sociales, dont théorie politique et sciences sociales s'emparent actuellement.
Programme de la journée
- 9h30 | présentation de la journée par Gabrielle Radica (CURAPP-ESS, université de Picardie-Jules Verne)
- 10h | Vision, cognition et argumentation, par Ruth Webb (STL, université Lille 3)
- 10h45 | Critique des indicateurs et mise en (in)visibilité, par Rémy Caveng (CURAPP-ESS, université de Picardie-Jules Verne)
- 11h30 | pause
- 11h45 | Le lisible et le visible: quelles images du monde et d'elle-même la littérature donne-t-elle à lire?, par Catherine Grall (CERCLL, université de Picardie-Jules Verne)
- 14h | Les conditions sociales de la mise en visibilité partisane d'un problème public: le Parti socialiste et «l'insécurité», par Rafael Cos (CERAPS, université Lille 2)
- 14h45 | Rendre visible ce qui est commun, par Ophélie Desmons (STL, université Lille 3)
- 15h30 | pause
- 16h | discussion générale et synthèse de la journée
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