La «forme camp» théorisée par Giorgio Agamben a fortement influencé la réflexion sur les camps de l'exil contemporain, toutefois son travail a donné lieu à de nombreuses discussions sur l'usage extensif de la notion. Nous proposons de revenir sur ces questions scientifiques et politiques et de mettre en perspective les politiques de mises en visibilité des camps, campements et espaces des migrations contemporaines et de leurs habitants auxquelles les artistes participent. Il s'agit également de comprendre la manière dont le traitement médiatique participe de l'efficacité des «camps» comme dispositifs de mise à l'écart des migrants.
Séminaire de travail, avec les interventions de:
> Smain Laacher, Solliciter l'asile. Qu'est ce qu'un récit crédible en situation?
Dans tous les cas, il est exigé d'avouer publiquement les «vraies raisons» de la venue, qui toujours doivent impérativement se référer, sous peine d'être désavouées, au moins moralement, à un idéal d'hospitalité et de protection dont l'étendue concorde avec l'espace Schengen ; c'est-à-dire avec une aire culturelle ou une civilisation commune aux États partageant la même philosophie des droits de l'homme. Il ne fait aucun doute toutefois que cette compétence, consistant à rendre dicible l'indicible dans une autre langue et par délégation (avocat ou interprète), est une compétence très inégalement distribuée. Fondamentalement ce qui est jeu, ce n'est pas tant la reconnaissance d'une persécution en tant que telle mais la possibilité (et c'est là toute la difficulté) de faire admettre l'inadmissible ou, mieux, de rendre croyable l'incroyable: justifier les raisons du départ de son pays dans les catégories et les motifs qui ne sont pas ceux de l'entendement de l'institution et du droit susceptible d'offrir une protection.
Smain Laacher est professeur de sociologie à l'université de Strasbourg et chercheur associé à l’EHESS et à l'INED. Il à été juge assesseur représentant le Haut-commissariat des Nations-unies au réfugiés (HCR) à la Cour Nationale du Droit d’Asile de 1999 à 2014
> Eva Ottavy
Les camps d'étrangers en Europe et à ses frontières prennent différentes formes. D'un côté, les camps dit «formels» comme les centres fermés pour organiser les renvois des étrangers vers leur pays d'origine ou encore les camps ouvert qui hébergent les demandeurs d'asile en passant par des camps informels, auto construit, comme la «jungle» de Calais, ou les camps parisiens de Stalingrad, de La Chapelle, etc. Ces camps ont «champignonné» en Europe et à ses frontières ces dix dernières années. La Cimade, dans le cadre du réseau euro africain Migreurop, analyse ce phénomène d'encampement notamment aux frontières pour tenter d'en décrypter les fonctions et dénoncer les violations des droits humains qui s'y opèrent.
Eva Ottavy est responsable commission Solidarités internationales de la Cimade, membre du réseau Migreurop
Depuis 1939, la Cimade défend la dignité et les droits des personnes réfugiées et migrantes, quelles que soient leurs origines, leurs opinions politiques ou leurs convictions. Dans ce cadre, elle est un membre fondateur du réseau Euro africain Migreurop, composé de militants et chercheurs dont l’objectif est de faire connaître et de lutter contre la généralisation de l’enfermement des étrangers et la multiplication des camps, dispositif au coeur de la politique d’externalisation de l’Union européenne. Migreurop est à l’origine d’un atlas des migrations et de nombreux projets permettant de visualiser et comprendre les politiques d’enfermement des migrants, comme une cartographie participative.
URI/Permalink: