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severine.casalis[at]univ-lille[POINT]frAu cours de l’année scolaire 2021-2022, près de 80 000 enfants allophones nouvellement arrivés (EANA) étaient scolarisés en France (Brun, 2023). Détecter des troubles du langage oral ou écrit chez ces enfants constitue un vrai défi dans la mesure où la plupart des tests de langage disponibles sont réalisés en langue française et ont été standardisés auprès d’enfants francophones. L’une des difficultés que peut rencontrer l’évaluateur, par exemple un.e orthophoniste, est de ne pas savoir distinguer les erreurs de lecture (ou de répétition) des erreurs phonologiques liées aux différences entre le répertoire phonologique de la langue maternelle de l’enfant et celui du français. À cela s’ajoute la difficulté pour les évaluateurs à s’accorder sur le son produit, tout particulièrement pour les voyelles. En effet, les sons produits par l’enfant n’appartiennent pas nécessairement au répertoire phonologique du français. Par exemple, un enfant peut substituer le son « i » par une voyelle intermédiaire entre le « i » et le « é ». Dès lors, des évaluateurs différents peuvent percevoir des sons différents. Tout cela peut avoir une grande incidence sur les mesures en surestimant le nombre d’erreurs chez les enfants EANA par rapport aux enfants tout-venant ce qui peut altérer l’interprétation des résultats aux tests. Or l’on sait que la méconnaissance des particularités des enfants bilingues peut être à l’origine d’un surdiagnostic de trouble du langage. Il est donc crucial d’adapter l’évaluation langagière au profil particulier des enfants EANA.
Notons que les erreurs phonologiques respectent une certaine logique : les sons substitués sont proches acoustiquement les uns des autres. Les travaux de thèse de Matthieu Bignon, menés sous la direction de Séverine Casalis et de Sandrine Mejias (SCALab, Université de Lille) ont montré qu’il est possible de détecter les erreurs vraisemblablement liées à la distance phonologique entre le français et les langues maternelles des enfants. Ils ont donc proposé un mode de cotation assoupli des productions phonologiques qui permet de ne pas considérer comme des erreurs certaines substitutions de sons proches sans que cela n’altère la sensibilité des mesures. Ils ont également démontré que les enfants EANA profitaient bien plus d’une telle souplesse que les enfants tout-venant à un ensemble de tests langagiers, indiquant qu’elle cible effectivement produites spécifiquement par les enfants EANA.
Ce mode de cotation présente le désavantage d’être laborieux à réaliser manuellement puisqu’il faut vérifier que chaque son substitué est vraisemblablement lié ou non aux différences entre la langue maternelle et le français. Cela peut devenir chronophage s’il y a un grand nombre de transcriptions à traiter et si les erreurs sont nombreuses. Nous avons donc implémenté un programme qui permet d'automatiser cette cotation tout en délivrant une variété d’indicateurs qui peuvent être utiles dans un contexte clinique ou de recherche. Le projet CotaPro vise à créer une interface graphique pour cet outil dans l’objectif de faciliter son utilisation et le diffuser le plus largement possible.
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