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benjamin.deruelle[at]univ-lille3[POINT]frDepuis les années 1970, les études sur la guerre ont connu un profond renouvellement dans de nombreuses disciplines des sciences humaines et sociales. Les travaux se sont multipliés, accompagnant la détente et la fin de la guerre froide, le retour des conflits en Europe centrale et les interventions occidentales au Moyen Orient et en Afrique, ou encore les nouvelles formes de conflits post-11 septembre. Parallèlement, de nombreux chercheurs se sont emparés du discours et des processus argumentatifs comme objet d'étude. Bien que ces deux voies de recherche aient donné de nombreux résultats, les études croisant les deux champs restent encore peu nombreuses.
Le projet AGuerre propose donc de croiser ces approches dans une perspective innovante et interdisciplinaire en associant des chercheurs et des laboratoires de multiples disciplines. La guerre est, en effet, le plus souvent perçue uniquement dans sa dimension violente. Les processus d'argumentation disparaîtraient avec l'ouverture du conflit pour ne réapparaitre qu'au moment du retour à la paix. Ces deux moments représentent les deux aspects les plus évidents abordés par le projet AGuerre. Mais en réalité́, l'argumentation se poursuit pendant toute la durée du conflit. Loin du front et du champ de bataille, le maintien de la mobilisation des esprits et des opinions publiques reste un impératif pour les gouvernants. Par ailleurs, la guerre ne peut être réduite à une confrontation brutale. Pendant les affrontements, les négociations se poursuivent. Des immunités et des trêves sont négociées, comme la libération des prisonniers ou des otages. L'argumentation est aussi essentielle dans la négociation de la reddition des villes, des armées et des individus isolés. Les règles du droit de la guerre sont alors invoquées et débattues pour fixer les limites de la violence. Lorsque le combat s'engage, les chefs de guerre doivent encore pousser leurs hommes à s'engager et à ne pas céder devant leurs ennemis. En outre, dans les longues périodes d'attente qui ponctuent les grands combats, la petite guerre reprend ses droits. Les officiers s'accordent parfois autour d'un modus vivendi pour épargner leurs troupes.
Le projet AGuerre aborde ainsi la guerre comme une expérience culturelle, productrice de modalités particulières de dialogues et de discours, entre les belligérants, entre les habitants d'espaces territoriaux constitués et entre combattants, plutôt que comme une rupture. Il s'attache à comprendre comment s'instaure un espace d'échange et de dialogue commun, comment il est préservé malgré́, ou à cause, de la violence, notamment dans les conflits où les inimitiés religieuses viennent se superposer aux hostilités.
Le projet Aguerre fait suite aux premières réflexions développées entre historiens lors d'un colloque tenu au printemps 2014 à Nîmes dans le cadre du CTHS (Comité des travaux historiques et scientifiques), puis dans un autre, interdisciplinaire, tenu au printemps 2015 aux universités de Lille 3 et de Paris 1.
Le projet se poursuit cette année sous la forme de 5 demi-journées d'étude au sein desquelles sont développées plus avant les approches méthodologiques selon 5 grands axes :
> approches linguistiques (à la MESHS) ;
> approches judiciaires (à l'université d'Amiens) ;
> approches par les sources non textuelles (à la MESHS) ;
> approches juridiques (à l'université de Paris 1) ;
> approches informatiques (à la MESHS).
Les séances ont lieu en matinée et sont ouvertes à tous les types de public (des étudiants aux chercheurs confirmés de toutes disciplines, ainsi qu'à tous ceux que les problématiques soulevées par le projet intéressent). Les réunions de travail de l'après-midi sont, elles, restreintes aux acteurs actifs du projet.
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